Le jour commençait à tomber, et j'étais en retard à notre rendez-vous hebdomadaire. Melody devait m'attendre comme à chaque fois que j'arrivais trop tard. Tous les samedis, nous avions prit l’habitude de nous voir après le travail pour faire le point sur la petite fille, si l'un de nous avait relevé un détail sur elle ou l'un de ses agissements. C'était presque devenu un rituel, et le patron du salon de thé était habitué de nous voir la sur ses petits fauteuils moelleux, c'était pour moi une occasion de la voir un peu plus. Malgré tout, il n'était pas rare que l'on se retrouve le reste de la semaine, nous étions soudés, les meilleurs amis au monde je disais. Et pourtant, la cotoyer aussi souvent, avait, au fil des années, fait évoluer ce que je ressentait pour elle. Je ne saurais vraiment poser de mots sur ce que je ressens, je ne suis pas encore sûr de moi, j'ai toujour eu du mal à déchiffrer mes propres sentiments, mais chaque fois qu'elle est auprès de moi, je me sens plus fort, plus heureux, bien que plus maladroit à mon grand désarroi. Oui, je crois bien que je suis tombé amoureux de cette boule d'énergie sur patte, que je ne pourrais plus me lasser des ses enfantillages parfois plus drôles que les miens, que je ne pourrais me passer de son regard d'azur dans mes yeux chocolats. Mais je ne suis pas prêt à lui avouer mes sentiments, à lui dire ce que j'ai sur le cœur, alors qu'elle est ma meilleur amie depuis la fac et que cela pourrait briser ce qu'il y a entre nous. Je ne veux pas la perdre, alors non, je préfère la regarder en silence et rester l'ami que j'ai toujours été pour elle.

Sous la pluie battante qui fouettait MystHill, il était hors de question que je prenne mon vélo pour me déplacer jusqu'à elle, je choisis donc le bus, bondé en ce jour gris. Arrivé sur les lieux, je l’aperçut depuis l'extérieur dans la vitrine, elle était déjà arrivé, à notre table fétiche, assez loin des oreilles et des regards pour que l'on puisse s'étendre sur le sujet de la petite fille. A croire que cette place nous était réservée pour que personne n'y vienne. Melody était tournée de dos à moi, j'avais donc tout le loisir de pourvoir la surprendre, et ce fut mon premier geste. A pas de loup, je m'avançai vers elle pour déposer mes mains glacées sur ses épaules d'un geste vif. Je me penchai vers plus près de son visage.

« Me voila miss ! » fis-je en déposant un baiser sur sa joue rose. Je pris place dans le fauteuil face à elle.

« Désolé, je suis en retard, mais la pluie est une bonne excuse ! Ça va toi ? »

J'avais les cheveux trempés, toujours aussi bien maintenus par mon gel coiffant. Mes mains vinrent balayer quelques mèches parties loin des autres. Melody était jolie, comme toujours, quel que soit le temps, elle était toujours radieuse et me raportais le soleil dont j'avais besoin.

Amour, amitié, ces notions devenaient troubles dans mon esprit lorsque j'étais près d'elle, lorsque je pensais à elle, jolie qu'elle était devant moi, je ne pouvais cesser de l'observer, de la regarder alors qu'elle souriait de mes enfantillages. Et oui, j'étais un petit garçon qui préférait marcher sous la pluie, les cheveux sous le coup du courant d'air mouillé, plutôt que de me promener un parapluie encombrant à la main, et me priver de la liberté d'un bras bloqué plié on ne sait trop pourquoi. Je souriais alors quelle l'avait bien remarqué, bien que ce n'était pas un oubli, mais un acte volontaire, mais je précise, je n'aime quand même pas marcher sous l'eau, les converses dans les flaques et le costume tout mouillé. Dans le même temps, elle s'inquiéta à haute voix à propos de ma santé.

« Tu sais bien que je suis comme les chats, je suis résistant à toute épreuve ! » fit-il amusé. Oui, je suis un cas irrécupérable, ma santé me préoccupe peu, je n'y ait jamais trop fait attention à vrai dire, mis à part concernant l'hygiène, aussi bien corporelle qu'alimentaire, en oubliant qu'il peut ingérer environs un kilogramme de bonbons gélifiés acidulés. J'avais la chance de tomber peu souvent malade, c'était un cadeau que m'avait fait la nature, ou peut-être mes parents. Je lui fis un clin d'oeil dans le sens que tout allait bien, et tandis qu'elle me re-faisait une beauté à l'aide d'un mouchoir en papier, je ne bougeais pas, les pommettes gonflées par mon sourire grandissant qui montrait la blancheur de mes dents. Je pris le paquet qu'elle me laissa et me penchai sur la carte qu'elle venait de pencher entre nous deux.

« Du chocolat, tu veux me faire fondre toi ! Alors, le fondant c'est délicieux, hmmm ! Le moelleux, ah, mais toi tu préfères, le brownie je crois ! »

J'étais plutôt désœuvré face à une telle palette de choix, l'un ou l'autre, j'aimais tout, et Melody, aussi gourmande que moi, notre rencontre en est la preuve, devrait réussir à faire la part des choses en étant un peu moins indécise que moi. Ce n'était plus la carte que j'observais, mais bel et bien ma belle amie, pourquoi suis-je incapable d'exprimer mes sentiments pour toi ? Je passais une main dans mes cheveux, les décoiffant sans trop insister, et tandis que mon regard se plongeait dans les bleus iris de Melody, je me surpris à devenir un instant songeur à ce qu'aurait pu être ma vie si j'aurais écouté mon cœur plus tôt. Le serveur le coupa dans sa réflexion.

« Avez-vous choisi ? »
« Melody, je te laisse le choix entre les trois, je n'arriverais jamais à me décider sinon ! » déclara t-il en terminant rieur.

Une fois la commande passée, je revins à la raison qui nous menait ici.

« Alors chère enquêtrice, avez-vous découvert quelque chose sur notre cible ? »